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Le rétablissement des pollinisateurs

Le rétablissement des pollinisateurs

Le rétablissement des pollinisateurs, une étape cruciale!

Les pollinisateurs, comme les abeilles, les papillons, les papillons nocturnes et les mouches, jouent des rôles essentiels dans les écosystèmes et dans la production de notre nourriture. Si vous avez déjà mangé une pomme ou porté un t-shirt en coton confortable, vous pouvez remercier un pollinisateur d’avoir transporté le pollen d’une fleur à l’autre de ces plantes.

Malgré les importants services qu’ils fournissent, les populations de beaucoup de pollinisateurs sauvages sont en déclin, largement dû à des changements dans leur habitat, aux pratiques agricoles intensives et à l’usage de pesticides, aux espèces envahissantes, à la maladie et au changement climatique. Heureusement, beaucoup de mesures peuvent être adoptées pour ramener le nombre de pollinisateurs à ce qu’il a déjà été. Nous pouvons créer un habitat en plantant des plantes bénéfiques pour les pollinisateurs en bordure des routes, dans les parcs et dans les corridors de services publics. Nous pouvons soutenir des pratiques agricoles durables, comme la rotation des cultures et la conservation des haies. Nous pouvons interdire l’usage des pesticides nocifs. Ces mesures favorisent le « rétablissement des pollinisateurs » et exigent l’attention du secteur privé, des individus et de tous les paliers de gouvernement.

Qu’est-ce que les gouvernements du Canada peuvent faire?

Les gouvernements doivent de toute urgence exercer le leadership nécessaire au rétablissement du nombre et de la diversité des pollinisateurs. Au moyen de la législation, de politiques, de stratégies et de plans, ils ont le pouvoir d’intégrer la protection et le rétablissement des pollinisateurs à notre société. Ici au Canada, beaucoup de gouvernements municipaux, régionaux et provinciaux prennent des mesures en ce sens. Par exemple, les villes de Vancouver et de Montréal, ainsi que les provinces du Québec et de l’Ontario, ont toutes mis en place des mesures d’interdiction ou de réduction de l’usage des néonicotinoïdes nocifs. La ville de Calgary a lancé de nombreux projets bénéfiques pour les pollinisateurs, incluant un boulevard pour les abeilles et papillons composé de fleurs sauvages et d’une variété d’habitats de nidification. La ville de Toronto a lancé sa Pollinator Protection Strategy (stratégie de protection des pollinisateurs) qui, entre autres initiatives, fournit des subventions aux membres de la collectivité afin de créer un habitat pour les pollinisateurs. L’Ontario a adopté un Plan d’action pour la santé des pollinisateurs qui engage le gouvernement provincial à surveiller la santé des populations d’abeilles sauvages et régies.

Alors que les gouvernements municipaux, régionaux et provinciaux mènent la charge pour le rétablissement des pollinisateurs à travers le pays, le gouvernement fédéral suit-il le rythme? En tant que signataire de la Convention sur la diversité biologique, le Canada s’est engagé à soutenir la mise en place de stratégies et de plans nationaux pour conserver la diversité des pollinisateurs. La première ébauche de la Convention, le Pollinator Initiative Plan of Action (plan d’action de l’initiative pour les pollinisateurs) pour 2018 à 2030, encourage les gouvernements à considérer quatre objectifs en s’attaquant à la protection et au rétablissement. Le Canada a pris des mesures pour l’atteinte de certains de ces objectifs, mais il lui reste beaucoup de chemin à faire pour d’autres.

Voici les objectifs de la Convention et où en est le Canada :

Permettre des politiques et stratégies qui protègent les pollinisateurs et leurs habitats.

Par exemple, permettre des politiques et stratégies qui soutiennent des pratiques agricoles durables, comme la réduction de l’usage des pesticides, l’utilisation de plus de mesures biologiques en matière de lutte antiparasitaire et la diversification des paysages agricoles. Le Canada possède un plan national pour les pollinisateurs afin de gérer les abeilles agricoles, mais il n’existe pas de plan similaire pour guider la protection et le rétablissement des centaines d’espèces de pollinisateurs sauvages qu’abrite le Canada. D’autres pays ont mis en place des stratégies et plans nationaux de protection des pollinisateurs, dont l’Angleterre (The National Pollinator Strategy), l’Irlande (The All Ireland Pollinator Plan) et les États-Unis (The National Pollinator Health Strategy). Bien que Santé Canada ait récemment annoncé des restrictions dans l’usage de trois pesticides de type néonicotinoïdes, elles n’entreront pas en vigueur avant 2021 et elles ont été mises en place en raison de l’incidence de ces produits sur les insectes aquatiques plutôt que sur les pollinisateurs. Armés des mêmes renseignements scientifiques, vingt-huit pays de l’Union européenne ont décidé d’interdire l’usage extérieur des néonicotinoïdes.

Mettre en place des pratiques bénéfiques aux pollinisateurs à l’échelle locale.

Cela signifie d’intégrer des pratiques de gestion dans tous les secteurs pour assurer la création d’habitats bénéfiques pour les pollinisateurs sur le terrain. On conseille aux gouvernements de travailler avec les agriculteurs, les apiculteurs, les forestiers et les administrateurs de terres pour créer conjointement des pratiques bénéfiques pour les pollinisateurs dans les écosystèmes agricoles et autres. Les gouvernements devraient promouvoir activement la connectivité et le rétablissement des habitats de pollinisateurs, mais aussi l’apiculture durable et la santé. En 2014, le ministère fédéral de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire a publié Les insectes pollinisateurs indigènes et l’agriculture au Canada, un manuel destiné à renseigner les agriculteurs et les grands éleveurs sur la biodiversité des pollinisateurs et la façon de la protéger sur leurs terres. C’est un pas dans la bonne direction, mais plus de mesures incitatives pourraient être nécessaires pour en arriver à un changement significatif. Dans certaines parties du monde, la protection des pollinisateurs est enchâssée dans la loi. L’État allemand de la Bavière a annoncé qu’il adoptera une loi pour protéger les pollinisateurs exigeant que 20 pour cent des terres agricoles répondent aux normes d’agriculture biologique d’ici 2025 avant d’atteindre 30 pour cent d’ici 2030. Dix pour cent des espaces verts de Bavière seront transformés en prairies de fleurs, et les rivières et cours d’eau seront mieux protégés contre les pesticides et les engrais.

Accroître la sensibilisation, partager les connaissances et améliorer les outils d’évaluation pour la prise de décision.

Cela signifie de promouvoir l’éducation et la sensibilisation sur le rôle et la valeur des pollinisateurs et de leurs habitats, et de proposer des gestes concrets que peut prendre le public pour réduire et prévenir le déclin des pollinisateurs. Cela signifie aussi de soutenir les entreprises afin qu’elles comprennent non seulement la valeur écologique des pollinisateurs, mais aussi leur valeur économique et les risques associés à leur déclin. Bien que le Canada ait mené des évaluations économiques des colonies d’abeilles mellifères régies, nous en connaissons peu sur la valeur des pollinisateurs sauvages. Cela s’explique en partie par le fait que le Canada, comme beaucoup de nations, continue d’en apprendre au sujet des espèces pollinisatrices qui vivent sur son territoire. Et nous en savons encore moins sur la façon dont se portent les pollinisateurs que sur leur diversité. Il n’existe aucun programme de gestion gouvernemental pour surveiller les populations de pollinisateurs, où que ce soit au Canada. En attendant, les agriculteurs, les grands éleveurs et les autres acteurs du secteur agricole peuvent se tourner vers le manuel Les insectes pollinisateurs indigènes et l’agriculture au Canada, publié par le ministère fédéral de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire, afin de se renseigner sur la biodiversité des pollinisateurs et la façon de la protéger sur leurs terres.

Encourager la surveillance, la recherche et l’évaluation.

Comme c’est le cas pour beaucoup d’autres pays, les connaissances du Canada sur les pollinisateurs qu’il abrite comptent de nombreuses lacunes. Combien d’espèces s’y trouvent? Comment leurs populations se portent-elles? À quelles plantes (sauvages comme cultivées) servent-elles? Pour répondre à certaines de ces questions ainsi que pour financer directement les chercheurs, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada a créé l’Initiative de pollinisation canadienne, un réseau stratégique de cinq ans (de 2009 à 2014) composé de 44 chercheurs relevant de 26 établissements de recherche à travers le pays. L’Initiative a mené à la parution de plus de 130 publications qui ont permis (1) de contribuer à identifier et à décrire des espèces pollinisatrices dans l’ensemble du pays; (2) d’examiner des façons de lutter contre les virus et parasites qui s’attaquent aux abeilles et de chercher une meilleure façon de gérer les abeilles commerciales; (3) de mener des recherches pour en apprendre plus au sujet de la pollinisation des plantes et de la pollinisation par le vent, et approfondir nos connaissances écologiques sur les pollinisateurs; (4) d’étudier les facteurs mondiaux entraînant le déclin des abeilles; et même (5) d’étudier l’aspect économique des abeilles. L’initiative a pris fin en 2014, mais des chercheurs provenant de laboratoires de tout le pays (p. ex. l’Université de Guelph en Ontario et l’Université Simon-Fraser, en C.-B.) continuent de travailler en science de la pollinisation. Un programme national de surveillance pourrait permettre de mieux coordonner certains de ces efforts de recherche pour aider le Canada à atteindre les objectifs de la Convention.

Nous ne pouvons pas régler ce que nous ne mesurons pas : le Canada a besoin d’un programme fédéral de surveillance

Il est largement admis qu’il existe de nombreuses lacunes dans notre connaissance du monde des pollinisateurs, et ce que nous savons augure mal. Selon certaines estimations, 40 pour cent des pollinisateurs — particulièrement les abeilles et les papillons — font face à l’extinction. Nous ne savons pas à quel point le problème dans son ensemble est sérieux au Canada, car nous ne le mesurons pas à l’échelle nationale ou provinciale. Peu de projets de recherche à travers le pays se sont penchés sur les tendances à long terme en matière d’abondance des pollinisateurs. Le gouvernement de l’État allemand de la Bavière a adopté une loi protégeant l’habitat des pollinisateurs parce que les données à long terme montraient des déclins dramatiques de l’abondance des insectes largement associés à l’agriculture intensive. Pour comprendre comment les populations de pollinisateurs évoluent, le Canada doit établir un programme fédéral de surveillance normalisé et à grande échelle.

Un programme national de surveillance efficace fournirait un cadre de travail général en matière de surveillance pour tout le pays. Chaque année, les mêmes informations seraient recueillies sur les mêmes sites, dans des écosystèmes de tout le pays. Les chercheurs documenteraient par exemple les espèces présentes et leurs nombres. Des modèles de programme de surveillance efficace existent déjà. Par exemple, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture a publié le document Protocol to Detect and Monitor Pollinator Communities (protocole de détection et de surveillance des communautés de pollinisateurs). Les efforts comme le programme Monitoring Avian Productivity and Survivorship (MAPS; surveillance de la productivité et de la survie des espèces aviaires), une collaboration pour contribuer à la conservation des oiseaux et de leurs habitats, peuvent être une source d’inspiration. On compte plus de 1200 stations MAPS réparties à travers presque tous les États américains et la plupart des provinces canadiennes. Plus de 100 articles scientifiques sont issus de ce travail collaboratif. Bien que le groupe ne soit lié à aucun gouvernement, il démontre qu’une coordination à grande échelle est possible et peut produire des résultats significatifs.

Un programme fédéral de surveillance représente aussi une occasion d’éduquer et d’engager les citoyens dans la compréhension du rôle des pollinisateurs et de la façon dont ils s’en sortent. Le Pollinator Monitoring and Research Partnership (partenariat de recherche et de surveillance pour les pollinisateurs) du Royaume-Uni fait appel aux membres du public pour effectuer des dénombrements ponctuels de fleurs et d’insectes d’une durée de dix minutes (appelés FIT counts) pour mieux établir des données de référence sur les pollinisateurs. Le projet est une collaboration entre les gouvernements écossais et gallois, le gouvernement fédéral anglais, et le Joint Nature Conservation Committee, un organisme du R.-U.

Quel que soit le chemin qu’il choisirait d’emprunter, l’objectif d’un programme fédéral de surveillance est de recueillir des données normalisées pour que les changements futurs puissent être évalués et que des mesures appropriées soient prises.

Que font les autres pays?

Des nations de partout dans le monde font du rétablissement des pollinisateurs une priorité. Que ce soit en interdisant les substances nocives, en adoptant des lois pour veiller à la création de meilleurs habitats ou en développant de meilleurs programmes de surveillance, le monde prend conscience de la gravité du déclin des pollinisateurs et prend des mesures pour l’éviter. En voici quelques exemples :
Bavière, Allemagne

Des preuves scientifiques du déclin dramatique des insectes dans la région ont déclenché une pétition demandant une meilleure protection des espèces végétales et animales qui a amassé 1,75 million de signatures. En réponse, l’État allemand de la Bavière a annoncé cette année qu’il adoptera une loi pour la protection des pollinisateurs exigeant que 20 pour cent des terres agricoles répondent aux normes d’agriculture biologique d’ici 2025 avant d’atteindre 30 pour cent d’ici 2030. Dix pour cent des espaces verts de Bavière seront transformés en prairies de fleurs, et les rivières et cours d’eau seront mieux protégés contre les pesticides et les engrais.

Angleterre

En 2014, le gouvernement du Royaume-Uni a publié The National Pollinator Strategy: for bees and other pollinators in England (stratégie nationale pour les pollinisateurs : pour les abeilles et autres pollinisateurs d’Angleterre). La stratégie sur dix ans engage l’Angleterre à travailler avec les agriculteurs pour : soutenir les pollinisateurs sur les terres agricoles; créer et améliorer des habitats pour les pollinisateurs dans les villages, les villes et les campagnes; améliorer leur réponse aux risques associés aux parasites et aux maladies; sensibiliser les gens à ce dont les pollinisateurs ont besoin pour survivre et s’épanouir; et améliorer les preuves sur l’état des pollinisateurs et les services qu’ils fournissent.

Vingt-huit pays de l’Union européenne

Le 29 mai 2018, la Commission européenne (l’exécutif de l’Union européenne) a adopté des règlements pour interdire complètement l’usage extérieur de trois néonicotinoïdes nocifs : l’imidaclopride, la clothianidine et le thiaméthoxame.

États-Unis

En juin 2014, le président Obama a publié une note de service établissant un groupe de travail sur la santé des pollinisateurs qui a depuis créé la National Pollinator Health Strategy (stratégie nationale en matière de santé des pollinisateurs) en 2015. La stratégie fait la promotion de la santé des abeilles mellifères et des autres pollinisateurs, incluant les oiseaux, les chauves-souris, les papillons et les insectes. Elle contient des mesures fédérales détaillées visant à atteindre trois objectifs généraux : (1) réduire les pertes de colonies d’abeilles mellifères durant l’hiver à un maximum de 15 pour cent d’ici 10 ans; (2) faire croître la population de l’Est du monarque à 225 millions d’individus sur six hectares de son aire d’hivernage du Mexique d’ici 2020; (3) restaurer ou améliorer 7 millions d’acres (2,8 millions d’hectares) de terres pour les pollinisateurs sur cinq ans (d’ici 2020) au moyen de mesures fédérales et de partenariats public-privé. Pour atteindre ces objectifs grâce à une prise de décision fondée sur des données probantes, le Pollinator Research Action Plan (plan d’action pour la recherche sur les pollinisateurs), qui fait partie de la stratégie, offre une feuille de route en matière de recherche soutenue par le fédéral pour recueillir et établir des données de référence, évaluer les facteurs de stress environnementaux, restaurer les habitats, comprendre et soutenir les intervenants, et conserver et partager les connaissances sur la question. Ce plan a entraîné le rétablissement de l’habitat de pré sur des centaines de milliers d’hectares.

Irlande

Le All-Ireland Pollinator Plan (plan panirlandais pour les pollinisateurs) pour 2015 à 2020 a été publié par le National Biodiversity Data Centre d’Irlande et il compte la participation de 70 scientifiques et intervenants. Soixante-huit organisations gouvernementales et non gouvernementales ont soutenu le plan, qui définit 81 mesures précises touchant cinq objectifs : faire de l’Irlande un pays bénéfique pour les pollinisateurs (sur les terres agricoles et les terres publiques et privées); sensibiliser les gens aux pollinisateurs et aux façons de les protéger; soutenir les apiculteurs et les cultivateurs pour des abeilles régies de manière plus saine; étendre les connaissances sur les pollinisateurs et les services de pollinisation; et recueillir des preuves pour suivre les changements et mesurer la réussite. L’Irlande a aussi produit un plan pour les pollinisateurs destiné aux jeunes afin de créer une nouvelle génération de citoyens concernés et actifs.

Qu’est-ce qu’un chemin pour les pollinisateurs?

L’habitat des pollinisateurs ne cesse de diminuer et de se fragmenter, en partie en raison de l’expansion des collectivités humaines, des corridors de transport et du secteur privé. Mais ça n’a pas à être le cas. En fait, la création d’habitats pour les pollinisateurs peut être un aspect largement complémentaire de ces paysages. En travaillant de concert, les propriétaires de terres privées et publiques peuvent créer des chemins pour les pollinisateurs — des corridors de plantes indigènes exempts de pesticides qui fournissent une source de nutrition et un habitat aux pollinisateurs afin de les aider à se disperser dans de nouveaux habitats en réponse au changement climatique.

Les chemins pour les pollinisateurs rétablissent et créent une grande variété d’habitats permanents de grande qualité riches en fleurs sauvages. Ils peuvent être créés en reliant plusieurs éléments : des pâturages de fleurs sur les terres agricoles, des boulevards bordés par des plantes bénéfiques pour les pollinisateurs dans les villes et les villages, des jardins dans les cours, et des lignes de transport électrique tapissées de fleurs sauvages indigènes. Il n’existe pas d’approche unique. L’objectif est de relier des propriétés situées à une distance comprise dans le parcours de la plupart des pollinisateurs indigènes de la région. Par exemple, si les abeilles indigènes locales ont un parcours d’environ 750 mètres, une distance inférieure à ce parcours séparerait les propriétés et idéalement, des corridors d’habitat indigène les relieraient.

La création de chemins pour les pollinisateurs exige beaucoup de coordination et de planification, mais leurs avantages sont nombreux. Non seulement ils renforcent le nombre de pollinisateurs et les services qu’ils offrent, mais ils fournissent aussi un habitat pour d’autres espèces fauniques et une occasion pour les gens de participer à la planification du territoire et d’interagir de manière significative avec la nature. Avec comme objectif de rétablir au moins 150 000 hectares d’habitats riches en fleurs au Royaume-Uni, l’initiative B-Lines de l’organisme Buglife offre un excellent exemple de tous ces bienfaits.

Les entreprises peuvent créer des chemins pour les pollinisateurs

Les pipelines de gaz naturel, les corridors de transmission d’électricité, les champs de panneaux solaires et les parcs éoliens occupent des millions d’hectares de terre à travers le pays. Pour des raisons de sécurité, beaucoup d’entreprises doivent maintenir la végétation en deçà d’une certaine hauteur dans leurs champs et leurs droits de passage — les longues bandes de terre sous les lignes électriques, au-dessus/en bordure des pipelines, et le long des routes. La plupart des plantes bénéfiques pour les pollinisateurs conviennent bien à ces restrictions, ce qui en fait d’excellentes options pour gérer la végétation sur les terres d’entreprises.

Les entreprises peuvent favoriser les habitats pour les pollinisateurs sur leurs terres de différentes façons. La première est de rétablir les paysages perturbés avec de la végétation naturelle indigène — préférablement avec des fleurs et des arbustes qui fleurissent du début du printemps jusqu’en automne pour maintenir une source continue de pollen et de nectar. La deuxième est d’entretenir la végétation de manière à minimiser les dommages causés aux pollinisateurs, si possible. Par exemple, réduire l’usage d’herbicides nocifs, tondre la pelouse seulement à la fin de l’été une fois que les pollinisateurs ont fini d’utiliser les plantes et retirer les espèces envahissantes. Enfin, les entreprises peuvent améliorer les habitats pour les pollinisateurs en plantant des fleurs et des arbustes qui fournissent des sites de nidification et d’hivernage aux pollinisateurs.

Certaines entreprises le font déjà. Par exemple, BC Hydro a invité le public à l’aider à créer un habitat pour les pollinisateurs dans les aires libres sous ses lignes électriques. Conjointement avec l’organisme à but non lucratif Return the Landscape, le parc solaire de Sarnia, en Ontario, a recouvert le sol séparant les panneaux solaires d’une grande variété de plantes indigènes qui soutiennent les pollinisateurs. En 2017, ils ont planté 1400 asclépiades supplémentaires pour attirer les monarques. La Fédération canadienne de la faune s’est associée à Hydro One, au comté de Lanark et à la Commission de la capitale nationale pour rétablir les habitats au bord des routes, des pistes cyclables et des lignes électriques.

Aux États-Unis, le groupe de travail Rights-of-Way as Habitat formé en 2015 représente une collaboration unique entre professionnels de différents secteurs, y compris les secteurs gazier, électrique, ferroviaire et routier. Plus de 200 organisations du secteur privé, agences gouvernementales, organismes à but non lucratif et universités des États-Unis et du Canada y participent. La FCF en est membre. Le groupe partage des idées pour le rétablissement des pollinisateurs et détermine les meilleures pratiques de gestion pour la conservation des habitats sur les paysages fonctionnels. Le groupe est organisé et coordonné par l’Energy Resources Center de l’Université de l’Illinois, à Chicago.

Les agriculteurs peuvent contribuer aux chemins pour les pollinisateurs et à l’amélioration générale des habitat

Les pratiques d’agriculture intensive ont été associées au déclin des pollinisateurs en raison de la perte des plantes à fleurs indigènes au profit des terres cultivées, de la fragmentation et la dégradation des habitats, de l’usage des pesticides et de l’introduction de pollinisateurs domestiques qui répandent des maladies et des parasites. Cela dit, beaucoup d’agriculteurs reconnaissent l’importance non seulement des abeilles régies, mais aussi des pollinisateurs sauvages comme les abeilles et les mouches à fleurs qui pollinisent les cultures et protègent d’autres services écologiques. Certains agriculteurs cherchent à revenir à un mode d’agriculture plus durable qui diversifie les paysages et utilise des processus écologiques comme élément durable de la production alimentaire.

Les agriculteurs peuvent contribuer au rétablissement des populations de pollinisateurs de différentes façons. Ils peuvent créer et maintenir une plus grande diversité d’habitats naturels, par exemple en plantant des plantes à fleurs indigènes autour des terres cultivées. Le maintien des haies et des terres boisées contribue aussi à soutenir les pollinisateurs sauvages, puisque de nombreuses espèces se nidifient dans ces habitats. Les agriculteurs peuvent réduire l’exposition des pollinisateurs aux produits chimiques nocifs en réduisant leur usage de pesticides, en optant pour des solutions de rechange en matière de lutte antiparasitaire et en prenant des mesures pour réduire les pertes de pesticide à l’épandage des terres cultivées vers d’autres zones. En utilisant des colonies d’abeilles mellifères pour la pollinisation, les agriculteurs peuvent faire pression pour un meilleur contrôle des agents pathogènes et pour une meilleure réglementation du commerce et de l’usage des pollinisateurs commerciaux. En faisant tout cela, les agriculteurs peuvent protéger les pollinisateurs qui utilisent leurs champs, offrir des habitats aux chemins pour les pollinisateurs et accroître de manière générale le nombre de pollinisateurs dans leurs habitats.

« Les pollinisateurs sont essentiels à notre approvisionnement alimentaire, à nos écosystèmes et au plaisir que nous offre la nature. Des centaines d’études scientifiques ont démontré l’étendue des dommages causés par les néonicotinoïdes et la perte d’habitat en ce qui a trait aux pollinisateurs et à d’autres espèces sauvages, comme les oiseaux et les chauves-souris. Nous devons nous efforcer de remédier à ces effets pour éviter de compromettre les écosystèmes sur lesquels repose l’agriculture au Canada. »
David Browne, directeur en matière de science de la conservation de la FCF

Les chemins pour les pollinisateurs peuvent bénéficier à beaucoup d’espèces

La création de chemins pour les pollinisateurs peut bénéficier à de nombreuses espèces en offrant un habitat sans pesticides spécialement conçu pour que les pollinisateurs s’y nidifient en été et y hivernent en hiver. Par exemple, lorsque les chemins comportent des plants d’asclépiades, ils fournissent un habitat précieux pour les monarques, qui sont célèbres pour leur spectaculaire migration jusqu’à leur aire d’hivernage au Mexique et en Californie avant de revenir dans les États du nord des États-Unis et dans le sud du Canada. Les papillons tigrés aiment aussi l’asclépiade. Ce sont de grands papillons principalement jaune et noir dotés d’une « queue » sur leurs ailes et bien connus pour leur fréquentation des flaques de boue, où ils s’abreuvent des minéraux du sol humide. Contrairement aux chenilles des monarques, ils consomment beaucoup d’autres plantes, comme des feuilles de cerisier tardif, de lilas, de bouleau et de peuplier deltoïde. Les adultes déroulent leur longue langue pour se nourrir dans les fleurs de certaines de ces plantes, mais aussi de bien d’autres.

Bien qu’elles soient moins connues, des centaines d’espèces de mouches et de coléoptères sont importantes à la pollinisation. Pensons au syrphe à pattes dorées. Comme beaucoup d’espèces de la famille des syrphidés (aussi appelés syrphes), il ressemble un peu à une abeille — ou à un faux bourdon dans son cas. Les syrphes à pattes dorées sont des visiteurs communs de nombreuses fleurs sauvages, tout comme les clairons, de gros coléoptères noirs dotés de taches rouges brillantes et transportant du pollen d’une fleur à l’autre sur leurs pattes. Leurs larves (et les adultes de certaines espèces) sont des insectes prédateurs, ce qui sert un autre rôle important dans l’écosystème des chemins pour les pollinisateurs.

Aucun chemin pour les pollinisateurs ne serait complet sans abeilles. Le Canada en compte plus de 800 espèces. La création d’un habitat pour les abeilles est particulièrement importante autant pour le bourdon de l’Ouest que pour le bourdon à bandes jaunes, deux espèces en péril au Canada. Ces insectes dodus et duveteux recueillent le pollen et le nectar d’une variété d’espèces à fleurs qui se trouvent partout, des terres agricoles à la forêt boréale en passant par les prés. Comme ils se nidifient typiquement sous terre dans des terriers de rongeur abandonnés ou dans du bois creux en décomposition, des chemins qui incluraient ce type d’habitats seraient particulièrement invitants.