Les néonicotinoïdes et le déclin des pollinisateurs
Comment se diffusent les néonics?
Vous ne pouvez pas vous en laver les mains
Les néonicotinoïdes sont des pesticides systémiques. Ils ne disparaissent pas avec un simple rinçage de nos fruits ou de nos fleurs. Absorbés par les racines ou les feuilles, puis mis en circulation par le système vasculaire, ils s’incorporent à la plante même. Toutes les parties de la plante sont touchées, que ce soit la tige, les fleurs, les fruits, le nectar ou le pollen. Lorsqu’un insecte ingère liquides ou tissus organiques d’une plante traitée, les néonicotinoïdes provoquent des lésions à son système nerveux central, causant tremblements, paralysie, voire la mort.
Avec des ventes mondiales représentant des milliards de dollars, les néonicotinoïdes représentent à l’heure actuelle les insecticides les plus largement utilisés dans le monde. Nous voyons une accumulation croissante d’indications de conséquences néfastes inattendues sur les espèces non ciblées et sur l’environnement.
Dans notre environnement
Les néonicotinoïdes sont très hydrosolubles; ce qui explique notamment pourquoi ils peuvent se propager à toutes les parties de la plante. Cela explique aussi qu’ils persistent longtemps dans la plante et dans le sol environnant. Ces caractéristiques les rendent certes des insecticides désirables, mais aussi de puissants contaminants environnementaux. Par voie hydrosoluble, les néonicotinoïdes circulent facilement dans le sol et dans les cours d’eau. À ce stade, il leur faut des mois (possiblement des années) pour se décomposer.
L’effet domino
Selon les concentrations et le mode d’épandage du néonicotinoïde, il est fort probable que d’autres espèces en souffrent. Bien que les amphibiens et les poissons soient moins sensibles aux néonicotinoïdes que les insectes, des études montrent que les néonicotinoïdes leur sont toxiques à fortes doses ou en cas d’exposition prolongée. Les néonicotinoïdes corrompent les habitudes alimentaires des vers de terre au point de les faire mourir, affamés.
Un problème pour les pollinisateurs
Sans les pollinisateurs, que ferions-nous? Selon certaines estimations, la croissance de 30 % de nos aliments dépendrait des abeilles, des coléoptères, des mouches, des papillons et des oiseaux – sans compter le miel! Les abeilles mellifères utilisent le nectar et le pollen floraux pour produire du miel. Mais bien des pollinisateurs collectent plus que souhaité lorsqu’ils visitent nos champs. Au Canada, le nectar et le pollen de beaucoup de cultures contiennent des néonicotinoïdes.
Des centaines d’études démontrent que les néonicotinoïdes peuvent nuire considérablement aux pollinisateurs comme les abeilles. Ils perturbent leur capacité à s’orienter, à apprendre, à ramasser de la nourriture et à se reproduire. Les colonies de bourdons exposées aux néonicotinoïdes se développent plus lentement et produisent moins de reines.
Au-delà de l’agriculture
Le risque en vaut-il la chandelle?
Nous en sommes venus à dépendre des insecticides comme les néonicotinoïdes pour lutter contre les ravageurs dans nos cultures agroalimentaires, nos jardins, nos fermes forestières et même les puces de nos chiens. Nous y recourons avant même d’en avoir besoin, en prévention d’une infestation qui peut ou non se produire. Selon le biologiste David Goulson, biologiste et membre du groupe de travail sur les pesticides systémiques, « c’est comme prendre des antibiotiques sans être malade, pour éviter de le devenir. » Le jeu en vaut-il la chandelle?
Un effort gaspillé
L’abus généralisé des néonicotinoïdes accélère le taux auquel les insectes nuisibles de partout sur la planète deviennent résistants. Par exemple, seulement 10 ans après l’introduction du néonicotinoïde imidaclopride, 95 % des populations de doryphores de la pomme de terre du Nord-Est et du Midwest des États-Unis étaient résistantes. Malgré les taux de résistance croissante, beaucoup d’agriculteurs considèrent que les néonicotinoïdes sont bénéfiques.
Néonicotinoïdes ≠ Meilleur rendement
Même si les néonicotinoïdes sont efficaces sur le plan de la réduction des dommages aux cultures, cela ne se traduit pas toujours en une meilleure récolte. Une étude a montré que bien que l’usage d’un néonicotinoïde avait réduit les dommages racinaires de plants de maïs, le rendement de la culture n’avait pas augmenté.
L’efficacité douteuse des néonicotinoïdes et la résistance croissante des insectes nuisibles à ses agents chimiques doivent être pesées au regard des méfaits causés à d’autres organismes et à la perte des services, comme la pollinisation, que rend la nature à l’agriculture.
Autres facteurs du déclin des pollinisateurs
Les insectes disparaissent partout dans le monde. Des estimations récentes suggèrent que le taux de déclin actuel pourrait entraîner l’extinction de 40 pour cent des insectes du monde au cours des prochaines décennies. En Allemagne, une analyse de 27 années de données datant de 2017 a par exemple découvert un déclin de 76 pour cent des insectes volants dans les aires protégées. Les auteurs d’une étude de 2018 menée à Porto Rico ont rapporté un déclin de l’ordre de 98 pour cent des insectes qui se nourrissent au sol et de 78 pour cent des arthropodes qui vivent dans la canopée (insectes, arachnides et autres espèces ayant un exosquelette) sur une période de 40 ans. On croit que 40 pour cent des pollinisateurs invertébrés — particulièrement les papillons et les abeilles — font face à l’extinction. Les évaluations de la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature indiquent que 16,5 pour cent des pollinisateurs vertébrés sont menacés d’extinction dans le monde, un nombre qui grimpe à 30 pour cent pour les espèces insulaires.
La perte et la conversion d’habitats au profit de l’agriculture intensive et de l’urbanisation
Il est maintenant bien établi que les changements dans les ressources alimentaires et la nidification dus à la perte d’habitat entraînent une diminution de la densité et de la diversité des insectes butineurs. La situation peut cependant être améliorée par un retour à des systèmes agricoles durables. Là où les centres urbains ont pris de l’expansion au détriment des habitats naturels et ont absorbé les terres agricoles, la création de chemins pour les pollinisateurs incluant des parcs et des jardins urbains contribuerait au retour des pollinisateurs.
Facteurs biologiques (agents pathogènes, parasites et espèces envahissantes)
Les espèces exotiques envahissantes sont des espèces introduites intentionnellement ou accidentellement par les humains en dehors de leur aire naturelle. Elles se répandent rapidement et leur croissance a une incidence sur les autres espèces et les écosystèmes. Les résultats peuvent être complexes. Par exemple, un pollinisateur généraliste peut bénéficier d’une plante envahissante qui fleurit fréquemment pendant les mois d’été. Mais si cette plante envahissante supplante une plante indigène sur laquelle un pollinisateur spécialiste compte, les conséquences pourraient être désastreuses. Une récente évaluation des risques posés par les espèces envahissantes sur les pollinisateurs a montré que la plupart des interactions entre pollinisateurs indigènes et espèces envahissantes sont négatives. Bien que les plantes envahissantes puissent être une source de nourriture pour les pollinisateurs, elles peuvent aussi transformer l’alimentation des pollinisateurs, affecter leur nutrition et poser un risque pour leur santé. Les abeilles pollinisatrices sont par exemple très sensibles à la combinaison particulière de nutriments trouvée dans le pollen de leurs plantes indigènes préférées. En s’alimentant avec des plantes envahissantes, les pollinisateurs peuvent aussi ignorer les besoins en pollinisation des plantes indigènes. Les espèces pollinisatrices envahissantes peuvent propager des agents pathogènes et des parasites aux pollinisateurs indigènes (voir la section ci-dessus). Sans oublier que certaines espèces envahissantes sont des prédateurs pour les pollinisateurs indigènes. Par exemple, l’introduction accidentelle en 2004 du frelon asiatique, un insecte prédateur, de l’Asie à l’Europe a directement menacé les populations d’abeilles mellifères européennes.
Changement climatique
Nous devons travailler avec diligence dans les prochaines années pour créer un habitat qui veillera à ce que les pollinisateurs puissent surmonter les menaces actuelles. Cela nécessitera non seulement la voix de nos supporteurs, mais aussi un investissement considérable dans le travail qui nous attend!
Faites un don
Les gouvernements du Canada tardent à réagir à ce problème majeur. Nous devons agir maintenant. Le sort de la faune dépend de nous.
Vos dons sont essentiels au bon déroulement de notre plan. Le problème ne se résoudra pas de lui-même. Les contrecoups de l’usage de néonicotinoïdes se feront sentir pour les décennies à venir, et nous ne pouvons plus perdre de temps à spéculer.
Depuis plus de 55 ans, la FCF se consacre à la conservation des espèces et des espaces sauvages au Canada. Grâce à votre apport, leur avenir est être bonnes mains.